Dématérialisation

Projet : Gestion Electronique de Documents

De l’acquisition du terrain constructible par les équipes de développement foncier jusqu’à la prise en charge des « réserves » par le Service Après-Vente le fond documentaire et le système d’information sont régulièrement enrichis. Le volume de documents est en constante augmentation. Les salariés souhaitent accéder facilement aux documents dont ils sont besoin. Qu’ils soient au bureau ou en déplacement. Qu’ils utilisent un ordinateur, un téléphone ou une tablette. Les salariés souhaitent consommer les documents aujourd’hui comme ils consomment l’information en général : immédiatement, quand ils en ont besoin où qu’ils soient.

Dans ce contexte d’impératif d’accès facile à l’information, à la documentation des projets il a été décidé de mettre en place un outil de gestion électronique de documents répondant à ces différentes problématiques. Une fois de plus nous sommes ici dans un contexte où le projet de dématérialisation répond à des besoins précis qui nous proviennent des différentes directions métier et non d’une instance de gouvernance de l’information. Ce projet de GED sera-t-il malgré tout un début de prise de conscience d’un besoin d’une gouvernance de l’information ? Nous essaierons d’y répondre dans ce billet.

Contexte initial – définition des besoins

Entre 2009 et 2011 le groupe avait déjà réalisé deux études notamment avec la société Cimail : les deux chiffrages relatifs à la mise en place d’une solution complète de Gestion Électronique de Documents s’élevaient à environ 100K€. Un budget jugé trop important pour valider ces projets. Le projet était donc en « stand by » mais  « la volonté d’avancer sur le sujet était forte ».

Étant issu d’une culture Open Source, culture venant essentiellement des différents outils orientés « web » sur lesquels j’avais eu l’occasion de travailler (Joomla, Drupal, phpBB, PrestaShop) et étant d’une certaine façon bloqué par la contrainte budgétaire, je me suis naturellement penché sur la solution Alfresco qui semblait répondre à l’ensemble des besoins exprimés par les directions métier.

La solution de GED devait répondre aux impératifs d’accès global à l’information y compris en situation de déplacement et de simplicité d’utilisation. Une véritable politique de Record Management n’était pas réellement mise en avant cependant la solution devait couvrir les fonctionnalités clé d’une GED : gestion étendue des droits d’accès, travail collaboratif, indexation plein texte afin de faciliter la recherche de documents, gestion des versions, système d’alertes….la gestion de métadonnées n’était pas une priorité.

La première phase fut donc une phase d’analyse de la solution Alfresco. L’objectif principal étant de constater les éventuels écarts fonctionnels entre la solution Alfresco et l’expression des besoins.

Alfresco : l’ouverture sur l’Open Source

Créé en 2005 par d’anciens dirigeants de Documentum et Business Object Alfresco est une solution J2E (java) qui propose de nombreuses fonctionnalités : métadonnées, typage des documents, workflow documentaire, gestion de catégories, outils collaboratifs, recherche plein texte, stockage et publication de contenus Web, transformation (bureautique et multimédia) …

Alfresco se distingue avant tout par une orientation collaborative à la fois au niveau des fonctions et de l’interface standard mais aussi par une architecture fonctionnelle et technique de très bon niveau, lui permettant de se positionner en tant que socle de GED pour de très grandes organisations.

Analysons ses fonctionnalités principales :

Indexation et Recherche

La GED tire parti de l’outil informatique pour indexer les documents. Cette indexation regroupe les métadonnées du document (dérivées automatiquement ou saisies manuellement) et le contenu du document par extraction de mots-clés. Cette indexation peut être :

  • Automatique : généralement exhaustive mais moins précise,
  • Manuelle : plus précise mais sujette à omissions et erreurs.

Les outils de recherche utilisent ensuite l’indexation pour retrouver les documents.

Alfresco repose sur le moteur d’indexation Lucene qui permet de réaliser des indexations plein texte. Ainsi la recherche peut porter autant sur les métadonnées (stockées en base de données) que sur le contenu des documents indexé via le moteur Lucene. Le fait de disposer d’un système d’indexation plein texte permet une indexation exhaustive. Pour pouvoir exploiter pleinement cette indexation il est impératif de disposer d’un moteur de recherche efficace.

Droits d’accès

La gestion des droits est indispensable tant la gestion électronique de documents à vocation à avoir une diversité d’utilisateur. Elle permet l’attribution de droits spécifiques selon l’utilisateur ou le groupe d’utilisateur. Dans Alfresco l’attribution des droits se fait selon un système de rôle. Lorsqu’on permet à un utilisateur d’accéder à une ressource on précise quel est son niveau d’accès (son rôle) sur cette ressource.

Le versioning

Le versioning ou gestion des versions permet de suivre les évolutions d’un document et de tracer les modifications. C’est aussi un moyen de ne plus perdre d’informations quand un document a subi trop d’altérations, suite à de mauvaises manipulations par exemple. Alfresco introduit la notion de version majeure et mineure. Parmi les autres fonctionnalités liées au versioning on peut également citer la possibilité d’éditer les documents en ligne qu’offre Alfresco. L’édition du document en ligne verrouille automatiquement le document.

Mobilité

Alfresco est dans ce domaine totalement en phase avec les besoins. L’accès aux contenus se fait très facilement grâce à l’application « Contenu » d’Alfresco installable gratuitement depuis le Play Store Google. Dans la mesure où nous passons par une application spécialement développée pour les téléphones, l’ergonomie de celle-ci est conforme aux usages.

Métadonnées

Au cœur des systèmes de GED les métadonnées constituent le premier niveau d’indexation (avant l’indexation plein texte) et permettent d’enrichir et de cataloguer les documents. Le système Alfresco propose des métadonnées relativement « basiques » telles que la description, l’auteur mais il est possible d’enrichir les métadonnées avec des catégories (système assez classique de catégories), des tags (mots-clés) et surtout des « aspects ».

Conclusion de l’analyse Alfresco

La solution Alfresco couvre totalement les besoins exprimés par la direction ce n’est cependant pas la solution qui a été retenue. En effet après plus de 2 mois de tests et malgré des retours globalement positifs de la part des salariés impliqués dans la phase de tests (groupe projet composé d’utilisateurs clés) l’hypothèse de la solution SharePoint commençait à germer dans les esprits des directions informatique, juridique et administrative. Peut-être un premier pas (inconscient) vers une certaine forme de gouvernance de l’information ?

Quoi qu’il en soit, dans la mesure où notre solution bureautique / messagerie reposait déjà sur la solution Office 365, les salariés utilisaient déjà la solution OneDrive (stockage personnel de documents dans le cloud). Il nous semblait cohérent d’étudier la possibilité d’intégrer la Gestion Electronique de Documents dans cet écosystème.

Cependant lorsqu’on pense outil de Gestion Electronique de Document, SharePoint n’est pas la première solution logicielle qui nous vient à l’esprit. Afin de valider définitivement le projet une analyse préalable de la solution était indispensable. L’objectif une fois de plus était de déterminer la convergence entre le périmètre de l’outil et les fonctionnalités attendues. Cette analyse a été réalisée par le service informatique.

SharePoint un outil de GED en phase avec les besoins ?

Comme j’ai pu le souligner récemment dans un billet où j’abordais le thème de la dématérialisation, lorsque l’on pense à la GED notre esprit se projette assez naturellement sur la numérisation de documents cependant dans son article (Différence entre numérisation et dématérialisation) Marie-Anne Chabin, experte de l’archivage et de la gestion de l’information numérique  nous propose de faire le distinguo entre la numérisation, qui est un processus essentiellement technique de conversion de documents d’un support non numérique (par exemple papier) en données numériques et la dématérialisation que Marie-Anne Chabin définit finalement ainsi : « Opération visant à ce que les documents gérés aujourd’hui sous forme papier le soit demain sous forme électronique, soit par le biais d’une opération de numérisation, soit par la révision des processus de production et de gestion de l’information. »

Un outil de GED est avant tout un outil de gestion de documents numériques et non un outil de numérisation de documents, bien que cette phase soit bien évidemment indispensable, dans un certain nombre de cas, pour « alimenter » la GED. Un outil de GED doit donc répondre à un certain nombre d’impératifs, comme nous avons pu le voir, juste avant, dans le cas d’Alfresco. : Indexation des documents, recherche, gestion des droits, versionnig des documents etc.

Avant de nous lancer dans ce vaste projet qui consiste à accueillir dans notre GED plus de 250000 objets par an (dossiers et documents) il était donc indispensable de passer en revue les différentes fonctionnalités de SharePoint pour valider l’adéquation entre l’outil et les besoin intrinsèques ou exprimés par les futurs utilisateurs.

Métadonnées, indexation de documents et recherche

SharePoint dispose d’une fonctionnalité qui permet de créer autant de colonnes que l’utilisateur souhaite, ce qui offre des possibilités très vastes pour la future utilisation des métadonnées qui par ailleurs peuvent être typées : ligne de texte, date, personne, nombre, lien hypertexte, choix multiples, etc.

Pour ce qui est de l’indexation SharePoint peut indexer rapidement jusqu’à 50 millions de documents, cette indexation se fait plein-texte. Il indexe aussi les métadonnées, y compris les colonnes ajoutées spécifiquement. Grâce à la technologie IFilter et Protocol Handler, quasiment tous les formats de fichier peuvent être indexés.

Les recherches multicritères sont facilement personnalisables dans SharePoint, elles portent aussi bien sur le contenu des documents que sur les métadonnées.

Conservation des documents numériques et travail collaboratif

SharePoint offre les fonctionnalités indispensables au versionning. Les différentes versions sont rapidement consultables sur le portail SharePoint. Par ailleurs l’utilisateur peut préciser le nombre maximal de versions dans chaque bibliothèque. L’outil offre la possibilité de garder jusqu’à 5000 versions différentes de chaque document !

SharePoint, associé aux logiciels bureautiques de la suite Office permet de modifier les documents (Word, Excel, Power Point) directement dans la version Online desdits logiciels. Une autre fonctionnalité prend alors tout son sens, la possibilité d’extraire un document. Un document extrait d’une bibliothèque SharePoint n’est pas modifiable jusqu’à ce que l’utilisateur le libère à nouveau.

SharePoint propose également des fonctionnalités liées au travail collaboratif. D’une part les flux de travail permettent de définir les circuits de routage des documents. D’autre part un système de suivi des documents et de dossiers permet d’être averti si une modification intervient sur l’élément suivi.

Gestion des droits et des accès

SharePoint propose une gestion des droits très complète reposant sur des notions d’utilisateur et de groupes. Chaque groupe et/ou utilisateur se voit alors attribuer un niveau accès par ressource (fichier ou dossier). Afin de faciliter l’application des stratégies d’accès l’outil fonctionne par défaut avec une notion d’héritage des droits : (ce qui s’applique au parent s’applique à l’enfant sauf si l’on décide de gérer l’accès à l’enfant de manière spécifique).

Conclusion

SharePoint couvre les différentes fonctionnalités attendues dans un logiciel de GED, en tout cas il est conforme à l’expression des besoins des directions métier et en phase avec les attentes de la DSI. Afin de valider définitivement le projet il convient alors de vérifier si l’environnement technique peut supporter les futures numérisations de documents.

Environnement technique

L’acquisition et la numérisation constituent la première phase dans un outil de GED cependant les modalités d’acquisition et de numérisation peuvent être multiples : acquisition manuelle, acquisition automatique de documents issus de sources hétérogènes : papier, fichiers, email, internet.

Sur l’ensemble des sites le groupe dispose des copieurs professionnels Canon (séries 55 IR ADV ou 65[1] IR ADV) permettant de numériser jusqu’à 120p/min ce qui est apparait totalement en phase avec le besoin.

Cependant ces copieurs, sans option, ne sont pas en mesure d’envoyer directement les documents vers les outils de GED. L’utilisateur aura le choix entre un envoi par email où le dépôt de son document numérisé sur un disque réseau du réseau local.

Lancement du projet

Le projet validé fin 2014 il a été convenu de lancer et valoriser celui-ci dans le cadre du séminaire annuel au mois de janvier 2015. La présentation du projet, effectuée devant la totalité des salariés s’est faite à l’aide d’un mini site internet dont le lien a été envoyé sur les messageries des collaborateurs juste avant l’annonce officielle. L’objectif de cette façon de présenter le projet était d’ores et déjà de faire un pas en direction de l’information qui circule plus facilement, de permettre aux salariés de constater que leur situation de nomadisme n’est plus un frein à l’accès aux informations et documents.

Comme nous avons pu l’observer à travers les différentes missions décrites précédemment cette nouvelle façon de consulter et de produire de l’information se généralisera progressivement dans tous les autres services à l’aide d’une superposition d’outil les uns pas toujours connectés aux autres ce qui provoquera progressivement la question que nous nous posons dans ce document : la dématérialisation, la digitalisation, l’empilement de projets et d’outils facilitant la production, la collecte, l’échange voire l’automatisation des flux informationnels, ne nécessitent-ils pas une gouvernance de l’information ?

Pour l’heure le projet de Gestion Électronique de Documents est donc lancé : son objectif principal est triple, comme on peut le constater sur le site de présentation : ORGANISER – SÉCURISER – HISTORISER. Avec le regard du professionnel de l’information-documentation, aujourd’hui, nous constatons un manque considérable sur lequel je reviendrai très prochainement et qui, me semble-t-il, sera l’un des principaux enjeux pour les futures instances de gouvernance de l’information : ARCHIVER. 

Le dossier PROJETS qui devra être porté vers la GED est stocké sur le serveur de données, en interne. Le serveur dispose de la technologie RAID 5, ce qui octroie un fort niveau de sécurité aux données ainsi stockées. Afin d’augmenter encore plus le niveau de sécurité une sauvegarde quotidienne est effectuée sur cassette à l’aide du logiciel BackupExec. Le dossier contient environ 300000 objets et la taille des données et d’environ 500Go.

Organiser. En 2014 le dossier PROJETS est découpé par secteur géographique dans chaque dossier « secteur » on trouve les dossiers des projets du secteur. La problématique principale qui apparait ici est celle de la libre création des dossiers projets et de la libre structuration des sous dossiers. En d’autres termes, pour l’heure, il n’y a aucune procédure qui détermine qui crée un dossier projet, quand ce dossier doit être créé ni quelle doit être sa structure.

Sécuriser. La sécurisation des documents en question ne porte pas sur l’intégrité des documents. Comme nous venons de le voir l’environnement technique permet une sécurisation satisfaisante des données. La sécurisation porte ici sur les accès aux documents. En effet en 2014 tout salarié disposant d’un accès au réseau local accède à l’intégralité des ressources sur le réseau. Il s’agit d’un héritage culturel. Le groupe a été informatisé dans les années 90, dans une période où les effectifs de la société, après une période de crise économique, ont été réduit à 5. Une équipe très resserrée qui partageait l’ensemble des informations, qui étaient alors en circulation dans l’entreprise. Dans les années 2000 la taille de l’entreprise a rapidement augmenté cependant les mécanismes de création, diffusion des documents sont resté inchangés, aucune gestion de la confidentialité. Mais à partir de 2010 avec des volumes de documents numériques en constante augmentation une prise de conscience s’est opérée au point d’introduire la sécurisation des accès aux documents parmi les priorités du projet.

Historiser. L’historisation des documents numérique est un autre axe fort d’un projet de GED. En effet il arrive régulièrement qu’un document soit intentionnellement modifié qu’on travaille sur la nouvelle version pendant plusieurs mois puis qu’il soit indispensable d’accéder à la première version du document. Les sauvegardes sur cassettes permettent de répondre à la plupart de ces cas mais il peut arriver que le service informatique ne puisse pas répondre favorablement à la demande de restauration du document. D’autre part il est chronophage de devoir systématiquement passer par la DSI pour retrouver l’ancienne version du document. Aussi il est impératif dans le cadre d’un projet de GED de proposer aux utilisateurs des mécanismes de restauration facile à prendre en main.

Nous allons développer ces 3 impératifs dans la suite du document et verrons qu’un 4ème impératif bien plus lié à l’info-documentation qu’à la culture informatique a été totalement mis à l’écart, il s’agit de l’archivage. Nous verrons également que la conduite du changement joue un rôle essentiel dans un projet de GED tout comme une adhésion très forte des utilisateurs clés. Nous terminerons enfin par un bilan du projet mais aussi des différents projets dont il a été question tout au long de ce document pour essayer de comprendre à quel point les projets successifs de dématérialisation des organisations imposent à celles-ci de se poser la question de l’utilité de la gouvernance de l’information

Organiser les documents : définition de l’arborescence type

Afin de définir un plan de classement cohérent et pouvant être appliqué de manière uniforme à l’ensemble des futurs projets, des groupes de travail essentiellement composés de salariés concernés par les futurs dépôts de documents dans la GED ainsi que par les responsables de service ont été initié lors de la réunion de lancement.

Le projet a été, avant tout, appréhendé par les différents participants sous un angle métier. Chaque service s’estimait légitime pour organiser SON espace de dépôt de document. Rapidement la dimension métier a pris le pas sur une approche plus transversale qui permet d’exploiter pleinement les fonctionnalités d’une GED.

Six groupes de travail ont été créés pour définir le futur plan de classement de chaque nouveau projet. J’insiste bien sur nouvelle car les anciens projets ont été, dans le cadre du projet, soit déplacés dans la GED avec leur structure initiale (chaotique) soit ont été « archivés » (plus précisément sauvegardés sur des cassettes dédiées, déposées dans le local informatique).   

En se réunissant lors des points hebdomadaires, entre Janvier et Mars 2015, les groupes ont réussi à définir une première « arborescence type » pour les futures projets. Cette première version comportait environ 2500 dossiers pour chaque projet. Autant dire que la volonté fut très forte de « descendre très bas dans l’arborescence ». Avec parfois quelques divergences de vision fortes entre les futurs producteurs de documents numériques (population d’assistantes qui militait pour une arborescence moins profonde) et les directions métier qui voyaient dans une arborescence très précise le gage d’une futur organisation claire et précise où l’on pourrait retrouver les documents très facilement puisqu’ils seraient stockés dans les bons dossiers. Même si j’avançais l’idée selon laquelle une GED est faite pour fonctionner avec des métadonnées, avec l’indexation plein texte et que finalement une arborescence très fine n’était pas réellement le gage d’un futur succès, l’approche « plus on ira dans le détail mieux ce sera » a finalement été validée et nous avons lancé notre GED avec les 2500 dossiers par projet.

Sécuriser les documents : mise en place d’une politique de gestion de droits

2500 dossiers pour chaque nouveau projet. Certains dossiers très confidentiels disposant de droit d’accès très spécifiques. Le paramétrage des droits d’accès peut s’avérer particulièrement complexe à définir et chronophage à gérer au fil de l’eau des nouvelles créations de projets. Étant donné le caractère sensible du paramétrage « qui voit quoi » et dans la mesure où finalement nous avons obtenu, à l’issue des groupes de travail « organisation », un découpage par service de la future arborescence, j’ai confié ce travail aux différentes directions métier ainsi qu’à la direction générale.

En synthèse il a été décidé de définir pour chaque salarié ses droits en lecture et/ou écriture pour chaque dossier et de préciser quels était les dossiers de premier niveau auquel il pouvait accéder tout en gérant les accès spécifiques à certains dossiers.  Plus de 20 groupes d’utilisateurs ont ainsi vu le jour, alors que, dans la mesure où un outil de GED offre le versionning des documents et qu’il est à tout moment possible de restaurer un fichier supprimé, la distinction lecture / écriture perd beaucoup de son sens.

En termes de paramétrage ce découpage en 20 groupes cela veut dire quoi ? Tout d’abord que pour chaque salarié il faudra préciser quels sont les groupes auquel il appartient puis il faudra réaliser ce travail régulièrement pour chaque nouveau salarié du groupe.

Historiser les documents : fonctionnalité standard des outils de GED

Le troisième impératif dans le cadre de ce projet était d’historiser les documents. Faire en sorte qu’il soit toujours possible de retrouver voire restaurer une ancienne version d’un document. Les mécanismes de versionning faisant partie intégrante des outils de GED ceci ne nécessite pas de préparation spécifique avant le déploiement. La seule variable à déterminer dans SharePoint est le nombre de versions à maintenir : la réponse a été unanime. Le plus possible !

Et les métadonnées ? Et la numérisation OCR pour gérer l’indexation ? La dure réalité de la conduite du changement.

L’arborescence type finalisée et validée, les droits définis, le notions d’historisation éprouvées, les anciens projets à intégrer copiés vers la nouvelle bibliothèque Sharepoint le lancement de la plateforme pouvait se faire dans de très bonnes conditions cependant il manquait toujours l’implémentation de la gestion des métadonnées ainsi que la numérisation avec la reconnaissance des caractères afin de tirer pleinement profit de de la future indexation.

Parce que la direction n’a pas suffisamment joué son rôle de sponsor, parce que le changement n’a pas été suffisamment conduit, certainement parce que le rôle de la DSI était avant tout de porter le projet dans sa composante technique et fonctionnelle, les producteurs de documents n’ont absolument pas adhéré à l’idée d’enrichir les documents avec de nouvelles métadonnées ni d’ailleurs d’utiliser la numérisation OCR. Finalement leur raisonnement était en phase avec celui de la direction qui souhaitait une arborescence très profonde, un plan de classement très détaillé. Aussi en guise de réponse nous avons eu un refus et une justification tout à fait cohérente par rapport au contexte « à quoi ça sert de mettre des descriptions supplémentaires et de s’embêter avec la numérisation OCR si nous mettons 2 fichiers maximum par dossier ». CQFD !

Nous voilà engagés dans un projet de GED qui ressemble de plus en plus à une bibliothèque de documents dans le cloud et de moins en moins à un outil de GED. La phase de formation perçue par les salariés comme une phase de validation du projet viendra parachever cette perception.

Formation des utilisateurs

Afin de mettre les salariés dans les meilleures conditions d’utilisation possibles nous avons prévu une 20aine de sessions de formation. Les groupes à formés comprenait au maximum 7 participant. Toutes les formations ont été réalisées en présentiel, sur une demi-journée, et tous les stagiaires disposaient du support de formation.

Les formations dispensées par l’assistante informatique et le RSI ont duré environ un mois et le constat fut brutal mais dans la mesure où les salariés n’ont pas été suffisamment préparés au changement finalement compréhensible : les salariés voulaient aller vers la GED mais les modalités de dépôt et de consultation des documents, en passant par le portail SharePoint, étaient incontestablement une source de blocage, il était urgent de trouver une solution.

« Comme avant » pour avancer vers quelque chose de nouveau : la mise en service

La solution fut trouvée via le mappage des disques réseau, la bibliothèque de documents SharePoint devient alors un simple disque réseau sur les postes de travail des salariés. Les salariés rassurés, le déploiement de la solution obtient l’aval de la direction.

En juin 2015 la GED est officiellement lancée. Les accès s’y font via un disque réseau, les métadonnées ne sont pas exploitées, l’indexation plein texte est exclusivement possible sur les documents nativement indexables (word, Excel) puisque les documents numériques issus de la numérisation ne sont pas « indexables » (pas de OCR), nous lançons le projet avec un plan de classement très « métier » éloigné de la philosophie transversale d’une solution de GED et ce même plan de classement est composé de 2500 dossiers !

Dès le lancement nous, la DSI, avons le sentiment que la solution n’est optimale mais la possibilité d’accéder à la GED « comme avant » au dossier réseau PROJETS nous permet de faire un premier pas.

Une nouvelle version après quelques mois d’exploitation

Très rapidement le projet trouve sa raison d’exister, il est défendu par les salariés qui s’en emparent. Ce ne sont pas les producteurs de documents qui se font ses défenseurs, ce sont les consommateurs et plus particulièrement une catégorie de ces consommateurs : les nomades. Les inspecteurs de travaux, les commerciaux, les développeurs mais aussi la direction générale qui devient consommatrice du système et lui apporte tout son soutien, non pas pour le projet en lui même, non tout simplement parce que la GED leurs simplifie leur quotidien, les documents sont accessibles partout et très facilement !

La GED, finalement perçue comme un simple disque réseau par les producteurs de documents, devient progressivement, aux yeux des salariés, une plateforme de circulation d’information pertinente et efficace cependant les salariés considèrent toujours qu’une arborescence aussi profonde est particulièrement problématique, ils demandent une nouvelle version de celles-ci.

Après plusieurs réunions de simplification, en mars 2016, la nouvelle arborescence est validée nous passons de 2500 dossiers par projet type à 1742 dossiers. La gestion des droits d’accès est également revue et la gestion des accès en lecture ou écriture disparait, seule l’écriture est retenue.

Edit 2023 : Après plusieurs années d’exploitation l’arborescence passera finalement à 450 dossier par projet.

Bilan du projet GED

Après 3 ans d’exploitation près de 705000 éléments ont été créés dans SharePoint. L’outil est totalement intégré dans le quotidien des salariés. Les salariés mobiles, comme évoqué ci-dessus y trouvent un intérêt évident avec les accès téléphone et tablettes. L’accès instantané au document quelle que soit la situation du salarié a donc joué un rôle déterminant dans le projet.

Cependant, dans la mesure où la réussite du projet vient du partage de documents initié par les salariés et qu’il n’y a eu aucune véritable politique documentaire associé au projet, les salariés déposent dans la GED les documents dont d’autres salariés (ou eux-mêmes) ont besoin. En d’autres termes sont déposés dans la GED les documents que les salariés jugent utiles. Numérisation parfois jugée inutile par les salariés, plan de classement toujours trop complexe ; certains documents n’existent qu’au format papier.

Dans ce contexte il convient alors d’aborder l’archivage de ces documents papiers dans cet univers de plus en plus dématérialisé. D’après les différentes revues menées ces dernières semaines l’archivage des documents papiers suit toujours les mêmes règles malgré la mise en place de la GED.

Si nous prenons l’exemple des contrats :  ces documents sont gardés dans les armoires de l’assistante de gestion durant la vie du projet et 6 mois après l’achèvement complet de celui-ci, l’assistante de gestion décide alors de leur déplacement dans la salle d’archives, les documents restent alors en archives intermédiaires durant 2-3 ans. Enfin la directrice juridique fait appel régulièrement à la société spécialisé en archivage documentaire pour que celle-ci externalise une partie des archives (après un tris effectué par les salariés concernés par les dossiers « externalisables »)

Cet archivage physique simple et minimaliste (pas de véritable gestion des Durées d’Utilité Administrative, pas de plan de classement des archives physiques) permet tout de même d’assurer l’intégrité des documents et d‘imposer, même si c’est réalisé de manière approximative, un cycle de vie du document.

Ce n’est pas le cas avec les documents numériques déposés dans SharePoint. Bien qu’il soit possible dans SharePoint de définir des règles de rétention de documents ce travail n’a pas été fait, à vrai dire dans le schéma actuel personne ne se préoccupe réellement de l’archivage des documents numériques et une confusion forte entre sauvegarde des documents numériques et archivage des documents numériques existe. Jean Marc Rietsch écrit dans Documentaliste-Sciences de l’Information 2013/1 (Vol. 50) « Alors même qu’il s’agit d’une partie intrinsèque du système d’information (SI) de toute organisation, les enjeux liés à l’archivage électronique sont encore loin d’être appréhendés à leur juste dimension, Les incompréhensions sont légion…» Cette confusion est d’autant plus renforcée par une impression d’espace de stockage infini. Pourquoi archiver alors qu’on ne manque pas de place, pourquoi archiver tout court ? 

L’archivage numérique est certainement le point défaillant de ce projet mais au-delà de cette défaillance c’est aussi le point qui met en évidence le fait que ce projet de GED, comme tous les autres projets évoqués, est un projet en réponse à un besoin conjoncturel. Le besoin conjoncturel dans ce cas c’est l’accès immédiat à l’information, le besoin c’est un travail pseudo-collaboratif qui consiste à produire des documents électroniques dont d’autres acteurs ont besoin (c’est plus simple de déposer le document numérique dans la GED que de l’envoyer au fil de l’eau à 20 ou 30 personnes qui pourrait en faire la demande).

Ce projet de GED apparait finalement, de même que les autres projets évoqués, comme une réponse épidermique à un besoin précis et immédiat où l’on renonce aux apports véritables d’une solution de GED (indexation, recherche, métadonnées…) pour nous concentrer sur ce qui sera immédiatement « rentable ». Ce qui apparait comme rentable c’est ce qui est visible en terme de résultats financier à court terme , il est beaucoup moins rentable de se poser des questions relatives à l’archivage, à la mise en place d’un SAE (Système d’Archivage Électronique), cet outil binôme d’une GED.  En effet pour se poser ces questions-là il faut intégrer dans la réflexion la culture du risque. En se posant la question simple « qu’est-ce que me coute la perte d’une information » on tend vers une réflexion qui porte sur la valeur de l’information, sur les catégories de celle-ci, sur sa structuration, sur la transformation de l’information en connaissance et finalement on réalise à quel point une gouvernance de l’information est importante.


[1] https://www.canon.fr/for_work/products/office_print_copy_solutions/office_black_white/imagerunner_advance_6555i/specification.aspx

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