Dématérialisation

Mise en place d’un extranet : un nouveau concept, le document dynamique


Présentons d’abord succinctement le contexte à travers deux processus métier concernés par cette digitalisation.


• Cas des bons d’apport
Dans une coopérative, lorsqu’un adhérent livre la marchandise, le réceptionniste constate son « apport » puis imprime le bon d’apport, le contresigne, puis le donne au chauffeur qui s’est chargé de la livraison. Dans le meilleur des cas le document arrive chez le fournisseur juste sale, dans la plupart des cas il est très abimé (condition météorologiques…) voire illisible. Au-delà de ces problématiques, sur le long terme, les adhérents se plaignent de la perte de lisibilité du document avec le temps (encre qui s’efface progressivement).


• Cas des factures d’achat / vente
Sans rentrer dans les détails très spécifiques au fonctionnement de la rémunération des adhérents dans une coopérative disons, en généralisant de manière très grossière, que les apporteurs (adhérents) sont rémunérés en fonction du prix de vente des marchandises. Quelques semaines ou quelques mois, en fonction du produit, après l’apport, une facture d’achat est donc établie par la coopérative pour chaque adhérent ainsi qu’une facture de vente pour le compte de l’adhérent. (L’objectif étant de soulager les tiers de ces démarches administratives et comptables). Les factures de vente ainsi établies sont ensuite envoyées à chaque adhérent…. Ceci représente, pour une année civile, plusieurs dizaines de milliers de factures qui sont ainsi générées dans le système d’information, imprimées, mises sous pli puis envoyées à chaque adhérent. Imaginons le travail nécessaire à cette gestion documentaire avec une touche d’humeur cela peut ressembler en 2007 à ce type de scène…

Des milliers de factures tous les mois (lors de chaque édition mensuelle) qui s’entassent sur le bureau de la « Responsable comptabilité matière », un bureau qui reste totalement fermé durant plusieurs jours pour ne pas perturber ses tris, éditions et mises sous pli.
Nous avons à travers ces deux exemples d’un côté des documents qui sont produits, qui transitent dans de très mauvaises conditions et qui deviennent rapidement illisibles, d’un autre une gestion documentaire très fastidieuse, chronophage et finalement totalement contreproductive dans la mesure où le temps consacré et cette tâche pourrait l’être à d’autres, génératrices de valeur ajoutée, que faire ? Nous avons opté au sein du groupe coopératif pour le développement d’un « extranet apporteurs » permettant aux adhérents d’accéder à ces informations via le digital, par le biais d’un navigateur Internet, de chez eux.
Dans le cadre de ce projet nous avons donc mis en place un extranet qui permet aux apporteurs de consulter les bons d’apport et les factures d’achat. Pour consulter ses factures et ses bons d’apport l’adhérent se connecte avec son login et son mot de passe à l’extranet. Il accède ainsi à son espace personnalisé qui lui propose deux modules, l’un pour les bons d’apport l’autre pour les factures. Étant données les contraintes réglementaires relatives aux factures, les deux processus métier sont traités de deux façons différentes.

  • Pour répondre à la problématique des factures. Nous générons des factures au format pdf et les mettons à disposition de l’adhérent dans son dossier. Le module permet alors de lister l’ensemble des factures, d’afficher le document pdf, l’imprimer ou le télécharger. Une sorte de Gestion Electronique de Documents sans l’indexation, les métadonnées, la recherche, l’archivage … Bref pas une GED mais un listing de factures téléchargeables.
  • Pour les bons d’apports la réponse est différente. En effet là où la facturation doit obéir aux contraintes réglementaires la gestion des flux de marchandise est plus permissive et permet d’envisager la diffusion de l’information grâce au document dynamique. Les bons d’apports ne sont pas imprimés au format pdf. Ils n’existent qu’en base de données. Le module apport permet à l’adhérent connecté de lancer une recherche par période, par numéro de bon d’apport, par produit. Les adhérents consultent les bons d’apport comme nous consultons aujourd’hui nos anciennes commandes sur Amazon.

Avec cette double digitalisation plus de 75000 documents papier par an disparaissent de la circulation mais avec le module « bon d’apport » de l’extranet la dématérialisation va cette fois-ci encore plus loin que la dématérialisation du fax. Avec la dématérialisation du fax ou avec la dématérialisation des factures dans l’extranet, quoi qu’il en soit, même si le document papier disparait, il est remplacé par la production d’un fichier (pdf) qui porte l’information. Dans le cas du module « bons d’apport » le document est produit de manière dynamique puisque l’utilisateur via l’interface du navigateur accède directement aux données stockées dans la base de données Oracle.


Le document est ici construit de manière dynamique, au moment où l’usager du système en fait la demande. L’utilisation du langage php permet alors d’extraire les données dans la base de données et produire une page html « à la volée ». Le document représentant le contenu informationnel du bon d’apport est alors visible à l’écran puis détruit dès lors que le navigateur est fermé.


De nombreuses questions sont ici légitimes : qu’est-ce qui constitue le document dynamique : les enregistrements correspondant à la requête en base de données ? la page internet qui s’affiche une fois la requête exécutée par le serveur et le résultat de celle-ci renvoyé au navigateur ? Des questions que se pose également Katarzyna WEGRZYN-WOLSKA dans son article (Document dynamique : une « étoile filante » dans l’espace documentaire) et qui définit le document dynamique, d’après la Banque de terminologie du Québec, comme « une page Web créée en réponse à la demande d’un utilisateur, dont la forme est fixe et le contenu variable»


Le professeur WEGRZYN-WOLSKA, s’interroge ensuite sur l’archivage de ces documents et y répond en ces termes « Les possibilités d’archivage sont très différentes. Les documents numériques dynamiques peuvent être imprimés (matérialisation de document, processus contraire de numérisation) ou sauvegardés par leurs demandeurs ou par les différents systèmes de caches et d’archives spécialisées »


Nous voyons ici un exemple frappant de la complexité de l’archivage de l’information dématérialisée dans certains contextes spécifiques. Afin d’archiver une information dématérialisée il faut sortir de la dématérialisation ou alors archiver, à travers la sauvegarde, non le document mais la donnée qui permettra à postériori de reconstituer le document. Cependant mon expérience d’informaticien m’impose d’aller plus loin dans mon raisonnement…


Et si demain je modifie une donnée dans la base de données, comment savoir si la représentation dynamique relative à la même requête effectuée le 2 jours plus tard sera conforme ou non à la réalité ? Autant de question que nous pouvons nous poser dans le cas du document dynamique quant à l’authenticité des documents comme le souligne l’article La conservation à long terme des documents dynamiques et interactifs publié dans la revue Document Numérique en ces termes « Quoi qu’il en soit, au cours des recherches il est devenu évident que les développements technologiques commencent à toucher même les procédures et la forme des documents officiels, que les décisions sont de plus en plus fondées sur des documents dont la création et la forme ne sont pas réglementées… »


Nous pouvons bien sûr considérer que l’authenticité des documents ainsi produits est assurée par l’authenticité des données qui sont à l’origine des documents. C’est la raison pour laquelle la quasi-totalité des logiciels métier prévoit, dans les bases de données qui leur sont associées, des champs qui permettent de déterminer le créateur et le modificateur de l’enregistrement ainsi que la date de création ou de modification. Malheureusement ces mécanismes n’assurent absolument aucune authenticité aux données et par conséquents aux documents qui en sont issus. Une simple requête « Update » permet de modifier les données et altérer l’information.

La manipulation de l’information est ici grossière, elle est réalisée par une personne habilitée à accéder à la base de données, certes, mais elle met en évidence le caractère fragile du document construit à la volée en fonction des données qui sont jugées authentiques, fiables et intègres.


En analysant la question sous cet angle, on peut se demander légitimement qui valide alors l’authenticité des informations mises ainsi à la disposition des tiers comme ici dans le cadre d’un extranet ou alors dans le cadre d’un échange de données informatisées nous verrons juste après ? L’information est produite, elle est diffusée, l’organisation qui la diffuse est bien sûr responsable de cette médiation, du moins son président en porte la responsabilité juridique, mais qui est responsable de l’information ? En réalité personne n’en est réellement responsable puisque la DSI est responsable du bon fonctionnement du SI, les usagers sont responsables de leurs saisies dans le SI et l’information est générée et diffusée soit à la volée soit de manière automatique.

Ne manquerait-il pas un pilote dans l’avion ou un architecte de l’information au sein de l’organisation pour fiabiliser les processus de validation et de diffusion d’information ?

[9] http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/1208-le-document-numerique-dynamique-une-etoile-filante-dans-l-espace-documentaire.pdf

[10] https://www.cairn.info/revue-document-numerique-2004-2-page-73.htm#s1n1

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